Dazibao

Ce n'est pas un roman, c'est un recueil de nouvelles.  Neuf, pour être exact.  Neuf textes de longueur et d'intensité différentes, que relient surtout le talent de Thierry Jonquet que j'ai déjà évoqué dans ces pages (1).

La première, la description quasi-entomologique d'un fonctionnaire et de l'univers vétilleux de l'administration, nous rappelle que Jonquet est un grand prosateur de notre temps : le verbe s'y fait friandise, fruit exotique et gourmand.  Il moque l'anglomanie galopante des chefs de bureau, l'obsession du classement des administratifs, les ambitions dérisoires des tâcherons de l'Administration avec un A majuscule...

Le Témoin est le compte-rendu par un jeune de banlieue d'une agression à laquelle il a assisté, impuissant.  Ici, c'est la langue verte des jeunes qui est convoquée : celle que Jonquet maniait déjà en virtuose dans La vie de ma mère.

Natalya nous comte une histoire d'agents secrets où réel et imaginaire s'entrecroisent si bien qu'on perd pied par moment...et pour notre plus grand plaisir.

La Gars du 16 nous entraîne dans un futur où les souvenirs gauchos d'un vieil anar survivent tant bien que mal à l'illettrisme galopant.

Automne est un flash, une nouvelle d'une page et demie qui vous laisse pantois, un coup de poing dans la gueule, un coup de vent froid comme on n'en trouve qu'en cette saison.

La colère d'Adolphe nous prend par la main et nous entraîne au paradis des musiciens ou tout, décidément, n'est pas rose...

La bataille des Buttes-Chaumont est une guerre futuriste dans un pays écartelé par les luttes communautaires.

La Vigie, dernière nouvelle du recueil, nous narre la vie d'une petite ville de banlieue et le rôle vital autant que discret qu'y a joué un militaire à la retraite.  Un autre veilleur prendra-t-il le relais ?

Neuf facettes d'un talent qu'on savait déjà polymorphe, neuf clins d'oeil que Jonquet nous adresse en nous montrant les dessous du réel ou ses possibles...  Neuf textes à découvrir absolument.

(1) Voir :  Le Manoir des immortelles