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Destins croisés : L'Homme de Kennewick et l'Homme de Spirit Cave (3)

La saga de Spirit Cave

La saga de l'Homme de Spirit Cave commence il y a quelques 63 ans au fond d'une grotte près de Fallon, Etat du Nevada, lors de creusements menés en prévision de l'établissement d'une mine de guano.

Lors de sa découverte, la momie reposait sur une couverture de fourrure. Elle était vétue d'une robe de peau et chaussée de mocassins de cuir. Une sorte de petit tapis était cousu autour de son chef et de ses épaules. Un autre recouvrait le bas du corps et était lié aux pieds.

L'Homme de Spirit Cave était couché en position foetale sur le flanc droit, sa joue reposant sur la main, comme surpris en plein sommeil...

Pendant de nombreuses années, les chercheurs se sont trompés sur l'ancienneté de cette momie : on la tenait pour vieille d'une centaine d'années, voire cent cinquante ans.

Ensuite, un examen plus approfondi lui attribua une ancienneté de plus ou moins deux mille ans. Avant qu'une datation au carbone 14 ne confonde le monde scientifique : cette momie, vieille de 7.400 ans, est la plus ancienne du continent américain...

C'est l'exceptionnel état de conservation de la peau, des cheveux, des étoffes et des fourrures parant le corps qui induisit les chercheurs en erreur.

Comme son homologue de Kennewick, l'Homme de Spirit Cave ne semble pas avoir mené une existence facile : sa main droite est fracturée, ainsi que sa colonne vertébrale, tandis que ses articulations présentent de nombreux signes d'arthrite. En outre, il souffrait d'une fracture cranienne, qui lui a probablement été fatale, et de multiples abscès dentaires.

La vie des "chasseurs-cueilleurs" du mésolithique (1) n'est donc pas ce long fleuve tranquille que des préhistoriens quelque peu rousseauistes nous avaient dépeint jusqu'ici. Notre homme est d'ailleurs mort vers 45 ans.

D'autres surprises attendaient les chercheurs : les instestins, partiellement conservés, contenaient des restes de poisson, composant certainement le dernier repas du défunt, tandis que dans deux sacs qui accompagnaient la dépouille, on découvrit des restes humains consumés.

Quatre vingt objets divers accompagnaient la dépouille. Dont de nombreuses pièces de tissus. Celles-ci étaient tissées selon la technique dite "plaquée de diamant". Structure complexe qui demandait du temps et un savoir-faire inattendu de la part d'un humain aussi ancien.

Comme l'Homme de Kennewick, l'Homme de Spirit Cave fait l'objet d'une demande de la part de tribus qui se proclament les descendantes du défunt, dans le cadre du NAGPRA (2).

Comme dans le cas de l'Homme de Kennewick, cette demande fait l'objet d'un procès depuis de nombreuses années.

Mais, contrairement à l'Homme de Kennewick, pour lequel aucun lien biologique ou culturel n'a pu etre prouvé,(3) celui de Spirit Cave pourrait bien trouver un destin contraire.

En effet, le Comité de Révision du NAGPRA vient de se prononcer sur un aspect majeur de cette affaire :

"Après examen complet et minutieux des informations et déclarations soumises par les tribus Shoshones et Payutes de Fallon, par le Département de l'Intérieur des Etats-Unis, par le Bureau de l'Aménagement du territoire et par l'Administration de l'Etat du Nevada, ainsi que par les preuves déposées par les représentants des tribus Payutes et Shoshones lors de la réunion des 17-19 novembre 2001 devant le Comité de Révision du NAGPRA, six des sept membres du Comité de Révision estiment que la preuve est fondée qu'un lien identitaire peut raisonnablement etre trouvé entre les actuelles tribus Shoshones-Payutes et les restes humains et les objets funéraires de Spirit Cave, Nevada.

En fait, cet avis du Comité de Révision suit celui de l'Administration de l'Etat du Nevada qui, elle, avait rejeté l'existence d'un lien culturel ou biologique entre l'Homme de Spirit Cave et les Tribus Shoshones et Payutes de Fallon.

Le Comité de Révision :

" 1. Ne croit pas que l'Administration de l'Etat du Nevada ait accordé une attention loyale et objective aux preuves et informations présentées dans cette affaire.

2. Le Comité de Révision estime que la majorité des preuves attestent d'une relation d'identité de groupe entre les restes humaines et les objets funéraires les accompagnants dans la Grotte de l'Esprit."

Le Comité "par six votes contre un, demande à l'Administration de l'Etat du Nevada, de restituer "la dépouille et tous les objets qui l'entouraient" aux Tribus Shoshones et Payutes".

Nous nous trouvons donc dans la situation inverse de la précédente : un organe officiel décide de soustraire des restes humains et des biens culturels à la communauté scientifique pour les restituer aux tribus indiennes.

A suivre...


(1) Le mésolithique (du grec "Mesos", "milieu" et "lithos", "pierre") est la période de transition entre l'économie nomade de la prédation (Paléolithique, du grec "paleos", ancien) et de l'économie sédentaire et productive (néolithique, du grec "néos", nouveau). Le néolithique est donc la "nouvelle économie" de la préhistoire...

(2) Le NAGPRA (National American Graves Protection And Repatriation Act) est une loi fédérale qui oblige tout découvreur à rendre aux tribus demandeuses des restes humains ou des objets culturels avec lesquelles les nations indiennes peuvent revendiquer un lien biologique ou culturel. Pour plus d'information sur cette législation, voir mon premier article sur l'Homme de Kennewick.

(3) Pour le contenu de ce procès, voir mon deuxième article sur les Hommes de Kennewick et de Spirit Cave :

Ecrit par Marco-Bertolini, à 16:15 dans la rubrique "Histoire".



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