Après le neveu de Rameau, le cousin de Fragonard
--> Roegiers réexplore son cher XVIIIe siècle
La couverture arbore des grenades et des coings, détail d'une toile baroque dégoulinante de sensualité. Le ton dominant est le rouge, couleur qui sied bien à ce roman tout en carnation et en viandes désossées...
Non, ce n'est pas de boucherie, qu'il s'agit; mais d'anatomie. Honoré Fragonard, qui partage à moitié le prénom de son cousin, le peintre, et complètement son patronyme, est passionné depuis l'enfance par ce qui se cache sous la peau. Son père, gantier parfumeur de la bonne ville de Grasse, y est sans doute pour quelque chose. Pourtant, Honoré cherchera longtemps sa voie. C'est la rencontre avec un vieux chirurgien qui sera décisive.
Plus tard, lors de son périple vers la capitale, Honoré rencontre une jeune femme synthèse de toutes les qualités physiques qu'il recherche, mais elle meurt aussitôt. Jamais il ne l'oubliera.
A Paris, Honoré fréquente l'école vétérinaire dont il deviendra d'ailleurs le directeur. Ce seront ses plus belles années. Il y développera sa fameuse technique de conservation des corps, d'écorchés dont, après avoir ôté la peau, il conserve le squelette et la musculature, mettant en relief à l'aide de colorants de sa composition, les veines, les artères, etc.
Lors de sa vie parisienne, Honoré croise non seulement son cousin, mais aussi le trajet de Diderot, d'Alembert et d'autres figures du temps. C'est une fresque éblouissante sur le siècle des Lumières que nous brosse Roegiers avec son style baroque et son goût irrépressible pour le vocable rare ou précieux. Une lecture aux antipodes du "basic french" dont nous accablent quelques écrivants imposés par la mode. Lisez Roegiers, oeuvre salutaire par ces temps d'anémie langagière...