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Depuis quelques années, les positions quant aux restes humains ou artefacts issus des " peuples premiers " - appellation politiquement correcte de ceux qu'on appelait naguère les " primitifs " - sont en révolution.
Alors que depuis des siècles, les Occidentaux pouvaient piller sans scrupule les tombes ou les monuments de peuples jugés inférieurs, une reconnaissance tardive de leur humanité - et donc de leurs droits - remet en cause la possibilité même de récolter, d'analyser, d'exposer, voire de photographier des restes humains, des vestiges matériels ou des documents anciens.
Et cette tendance touche tous les continents. En Afrique du Sud, les membres de l'ethnie Khoisan réclament - et obtiennent - la dépouille de Saartje Bartman, femme stéatopyge (1) exhibée dès 1810 sous le nom de " Vénus Hottentote " et disséquée par Cuvier, qui en tirera également un moulage. Le 6 mars 2002, les députés français votaient une loi de restitution et, le 9 août de la même année, Saartje Bartman était inhumée en présence de Thabo Mbeki et de représentants français. En Guyane, les Kaliña exercent un contrôle strict de l'usage fait des photographies " ethnographiques " de leurs ancêtres.(2) Aux Etats-Unis, une législation fédérale, le " Native American Graves Protection and Repatriation Act " ou NAGPRA, protège les sites funéraires amérindiens et oblige à la restitution des dépouilles et des objets funéraires aux tribus apparentées à ces individus.(3)
Les deux évènements que je voudrais examiner ici résultent de l'application de cette loi. L'Homme de Kennewick est un squelette dans un extraordinaire état de conservation, découvert sur une rive de la rivière Columbia, au Nord-Ouest des Etats-Unis, par deux jeunes qui faisaient une course de bateaux, en juillet 1996. (4) Jim Chatters, l'expert-légiste chargé de l'examiner, l'a d'abord pris pour la dépouille d'un individu moderne, d'aspect caucasien, mort depuis environ 150 ans. Mais, une pointe de lance prise dans l'os de la hanche le titille : il la fait analyser au carbone 14 et, surprise ! l'individu est agé de plus de 8.500 ans !
Que fait un corps aux caractéristiques caucasiennes, donc blanches, dans le nouveau monde, il y a 8.500 ans ? On aurait pu croire, s'il avait été un cas isolé, à un Amérindien aux traits particulièrement proches de ceux d'un Européen ou d'un Américain d'origine européenne : il arrive que dans des groupes homogènes un ou quelques rares individus présentent des traits atypiques. Mais, l'Homme de Kennewick n'est pas le seul à produire ce type d'énigme. Une demi-douzaine, au moins, de squelettes anciens arborent les mêmes caractéristiques.
Un autre de ces squelettes a été exhumé dans une grotte du Nevada (l'une des techniques d'ensevelissement des tribus autochtones), nommée Spirit Cave, il y a environ soixante-dix ans. Son état de conservation et les objets trouvés à ses côtés suggéraient une inhumation datant de cent-vingt à cent-cinquante ans. Les récentes réclamations des Amérindiens ont conduit le Smithsonian Museum, son détenteur, à procéder à des analyses de ces restes humains qui, eux aussi, présentent un âge avancé : près de dix mille ans.
Plus au sud, au Brésil, un corps féminin datant de 9.500 ans, présente des traits caractéristiques des Aborigènes australiens, tandis que des dépouilles découvertes à Monteverde, au Chili, sont plus proches des squelettes américains.
Qui sont ces mystérieux Américains aux traits nettement caucasiens ?
L'hypothèse dominante de ces cinquante dernières années contait l'histoire d'une population asiatique profitant d'un dégel partiel des glaciers pour traverser ce qui est aujourd'hui le détroit de Behring et pour peupler ce continent que nous appelons l'Amérique.
Des trouvailles récentes de deux chercheurs américains - James Dixon et Tim Heaton - démontrent que des groupes asiatiques ont pu longer les côtes du continent américain bien avant le dégel complet des glaces qui recouvraient le nouveau monde à l'époque. Leur alimentation (corroborée par l'usure de dents et les restes animaux trouvés auprès d'eux) suggère un régime à base de poissons et de coquillages. Ces Asiatiques ne montraient pas alors les traits mongoloïdes modernes, mais des traits caucasiens, proches de ceux des Aïnous, une population blanche qui vivait dans l'actuel Japon avant que les proto-japonais, probablement d'origine coréenne, n'envahissent l'archipel.
D'autres voyageurs, les ancêtres des actuels Polynésiens, ont sans doute effectué une traversée en radeau jusqu'aux côtes brésiliennes. On a maintenant la preuve que des voyages se sont effectués dans l'autre sens - des Incas ont atteint l'Ile de Pâques en radeau.
Ces découvertes ont évidemment bouleversé nos connaissances et nos théories sur les migrations humaines au cours de la préhistoire. Mais, là ne s'arrête pas le champ de leur influence.
Aux Etats-Unis, tout ce qui touche de près ou de loin à la race ou à l'ethnie possède des propriétés explosives. Lorsque Jim Chatters a osé parler de " traits d'apparence caucasienne " à propos de l'Homme de Kennewick, des journalistes, des représentants des nations indiennes et des politiciens n'ont pas hésité à l'accuser de racisme, de tentative de la part d'un blanc de s'approprier l'antériorité de la terre indienne ou de Dieu sait quelle " supériorité " sur les autres races américaines... Les tribus Umatilla, Walla Walla et Cayuse, qui occupent le territoire où le corps a été découvert, ont réclamé et obtenu la saisie du corps dans les heures qui ont suivi sa datation. Pour corser le tout, l'armée, propriétaire du terrain où le corps a été découvert, a saccagé définitivement le site funéraire…
Dans l'état actuel de la loi américaine, tout corps antérieur à l'arrivée de Christophe Colomb est supposé amérindien, qu'il présente ou non des liens biologiques ou culturels avec les habitants actuels du continent. L'Homme de Kennewick et son cousin de Spirit Cave sont donc des Amérindiens au sens de la loi fédérale et bénéficient d'une protection et d'un droit de préemption de la part de leurs " descendants " amérindiens…
Après sept longues années de bataille juridique, un jugement vient d'être rendu par la Cour fédérale et confère aux scientifiques le droit d'étudier les restes de l'Homme de Kennewick… (A suivre...).
(1) La stéatopygie est la prolifération de masses graisseuses dans les fesses qui présentent dès lors un volume inhabituel. Sur Saartje Bartman, voir François-Xavier Fauvelle-Aymar, Les Tribulations de la Vénus Hottentote, L'Histoire, février 2003, pp. 79 à 84. Voir aussi le magnifique livre dirigé par Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Gilles Boetsch, Eric Deroo et Sandrine Lemaire : Zoos humains : de la Vénus hottentote aux reality Shows, Paris, Editions La Découverte, 2002, (Textes à l'appui / Histoire contemporaine), 479 p. Et enfin, dernier paru, le livre de Gérard Badou, L'énigme de la Vénus Hottentote, Paris, Editions Payot & Rivages, 2002, (Petite Bibliothèque Payot. Voyageurs ; 446), 188 p.
(2) Voir Zoos humains, op. cit., p. 127-[135]. Pour une réflexion sur la photographie et l'anthropologie, voir l'ouvrage passionnant, mais malheureusement inédit en Français d'Elisabeth Edwards, Raw Histories : Photographs, Anthropology and Museums, Oxford, New York, Berg, 2001, (Materializing Culture / Collection dirigée par Paul Gilroy, Michael Herzfeld et Daniel Miller), 270 p.
(3) Le NAGPRA est une loi fédérale prise le 16 novembre 1990. Tous les Etats américains sont donc contraints d'adapter leur loi en fonction de ce texte. Le texte intégral de cette décision (PUBLIC LAW 101-601--NOV. 16, 1990), en anglais uniquement, figure à l'adresse suivante : http://www.cast.uark.edu/other/nps/nagpra/DOCS/lgm003.html.
(4) Il existe un site consacré à l'Homme de Kennewick et qui suit pas à pas l'actualité liée à sa découverte et à la controverse à laquelle elle a mené : http://www.kennewick-man.com/index.html.
Commentaires :
Planete Future |
Semaine spéciale planète Future: Les origines de l'hommeBonjour
Dans le cadre d'une semaine spéciale "Les origines de l'homme "diffusée sur la chaine thématique Planète Future fin décembre, nous réalisons un mini site de contenu afin de mieux comprendre les différentes découvertes et théories scientifiques. A cette occasion, j'aimerai savoir si je pouvais prendre des extraits de votre contenu sur l'homme de kennewick http://joueb.com/dazibao/news/46.shtml et http://joueb.com/dazibao/news/34.shtml. Il est entendu que vos copyrights seront mentionnés clairement et que nous ferons des liens vers les pages de votre site ainsi qu'une copie écran de votre home. De même, pouvons nous utiliser certaines de vos photos afin d'illustrer les propos avec copyright ? En vous remerciant par avance Dans l'attente de vous lire Cordialement Céline Pontygayot Planète Future |
Marco-Bertolini 05-12-03
à 13:23 |
Re: Semaine spéciale planète Future: Les origines de l'hommeJe vous ai répondu sur un mail, mais ne sachant pas si vous l'avez reçu, je le fais également sur ce site. Vous pouvez utiliser les extraits de texte que vous voulez (j'ai en vue deux nouveaux articles sur le sujet), pour ce qui concerne la photo de Jim Chatters et de l'Homme de Kennewick, les droits ne m'appartiennent pas. Cette photo provient du site d'info de Jim Chatters à l'adresse suivante : |
linkback 22-12-03
à 10:46 |
Lien croiséPLANETE FUTURE, Tout est possible : " Un article consacré à l'homme de Kennewick sur Dazibao"
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linkback 28-12-03
à 21:42 |
Lien croiséPLANETE FUTURE, Tout est possible : " Source : © Dazibao"
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linkback 12-02-04
à 00:31 |
Lien croiséMetaCrawler - Search: "L'homme de Kennewick" - MetaCrawler : "6. Le Mural du Web - Destins croisés : l'Homme de Kennewick<"
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à 15:40