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Chez les amis
Pepe Carvalho est orphelin

Manuel Vazquez Montalban est décédé hier à l'aéroport international de Bangkok d'un infarctus du myocarde.

Né à Barcelone en 1939, homme de gauche profondément engagé, il passera trois ans dans les geôles franquistes, où il découvrira sa vocation littéraire.

Le public français le connaît essentiellement à travers la série culte des "Pepe Carvalho", détective barcelonais au patronyme étrangement portugais.

Je ne suivrai pas ceux qui en parlent comme du "Simenon espagnol ou catalan" : Pepe Carvalho est irréductible à ce genre de comparaison.  Autant le commissaire français était parisien, bien que son père fut liégeois, autant Pepe Carvalho vit, respire, appartient à Barcelone.  Carvalho n'est pas moins catalan que les personnages de Ledesma ou d'Eduardo Mendoza.  Il le serait même plutôt davantage...

Habitant désormais une villa de Vallvidriera, sur les sommets de Barcelone, Pepe Carvalho a été militant communiste avant de travailler pour la CIA (1).  Reconverti en détective privé, ayant tout lu depuis "Cantos Gitanos" de Garcia Lorca jusqu'à la "Philosophie de l'histoire" de Hegel en passant par "l'Histoire universelle de l'infamie" de Jorge Luis Borges, il brûle consciencieusement, chaque soir, un livre dans son âtre...  Partageant sa couche mais pas sa vie avec Charo, une prostituée,  il s'est entouré d'un duo de choc dans les personnes de Biscuter - ex-compagnon de prison où il résida "pendant les quinze années d'une longue adolescence : de quinze à trente ans" (2)  et de Bromure - un ancien cireur de chaussures paranoïaque : il doit son sobriquet au fait qu'il est persuadé que les autorités versent du bromure dans l'eau potable de la ville afin de contenir les débordements de la population...

Loin d'être une simple série de polars divertissants, la saga du détective gourmet est une chronique de la société espagnole - voire européenne - des cinquante dernières années.  Comme le dit Montalban lui-même : "J'ai vite compris que ce genre (de roman policier), en particulier le personnage du détective privé, observateur détaché, cynique, presque voyeur, me permettait de développer une chronique de la société.  Mes romans devenaient des témoins du réel".

Montalban n'exagère pas : de la division des communistes qui entraîne l'assasinat de l'un d'entre eux (Meutre au Comité central) à la corruption du sport ("Hors jeu", sur les pratiques douteuses du football ou le magnifique "Sabotage olympique", dont le style baroque évoque celui de "L'automne du patriarche" de Gabriel Garcia Marquez) en passant par l'intervention de la CIA dans le meutre de Kennedy ("J'ai tué Kennedy") ou par la régionalisation des nations européennes ("L'homme de ma vie"), c'est tout un monde qui s'agite, observé, disséqué par un scalpel aux frappes réellement chirurgicales, contrairement aux missiles américains...

Mais l'univers littéraire de l'auteur catalan ne s'arrête pas là, loin s'en faut.  Ce polygraphe obsessionnel explore tous les genres et tous les styles.

Emprisonné pour "activités antifranquistes", il passe son séjour en cellule à écrire ce qui deviendra le manuel de référence des étudiants en journalisme en Espagne : "Information sur l'information" (en espagnol : "Informe sobre la informacion", rapport sur l'information).

Ces activités antifranquistes, quelles sont-elles ?  C'est, évidemment, un engagement politique à gauche, mais c'est aussi - et peut-être surtout - des recherches formelles d'une écriture avant-gardiste, antiromanesque (un comble pour celui qui connaîtra un succès international à travers le roman, policier ou non), basée sur la poésie et la nouvelle...  Ce que Montalban devait appeler lui-même "écriture subnormale" ne se terminera qu'à la mort du Caudillo : "J'écris maintenant comme si j'étais débile, c'est la seule attitude ludique que peut s'autoriser un intellectuel soumis à une organisation de la culture précairement néocapitaliste. La culture et la lucidité conduisent à la subnormalité" (3).

En parallèle à la série des "Pepe Carvalho", Montalban écrit des romans historiques, comme le fabuleux "Moi, Franco", autobiographie imaginaire du Caudillo attribuée à un journaliste qui donne la réplique aux mémoires autocélébratrices du dictateur - ouvrage malheureusement publié en version abrégée en français...  Ou bien encore "Galindez", histoire d'un résistant d'origine basque au sinistre régime de Trujillo, le dictateur dominicain, ouvrage qui vaudra à son auteur le prix Europa ainsi que le Prix national de littérature (en Espagne).

Il écrit aussi des romans de moeurs, comme "Ménage à quatre" qui narre les relations troubles entre membres de deux couples de la bourgeoisie espagnole.  Ou encore, "La joyeuse bande d'Atzavara" dans lequel quatre narrateurs racontent, de manière différente, l'été 1974, le dernier qu'ils vécurent sous le pouvoir franquiste en déliquescence...

Il écrit des chansons, des poèmes et aussi des guides gastronomiques, dont le recueil des recettes de Pepe Carvalho, celui que les journalistes ont surnommé depuis longtemps le "détective gourmet".

Et enfin, il écrit des livres d'actualité, véritables dossiers de fond écrits par un professionnel du journalisme, parmi lesquels, un ouvrage d'entretiens avec le sous-commandant Marcos, l'énigmatique chef de la révolution au Chiapas, province déshéritée s'il en est du Mexique.

A voir la liste et la variété des oeuvres que nous lègue Manuel Vazquez Montalban, on pourrait croire que c'est non pas un, mais dix, vingt, cent auteurs qui viennent de s'éteindre au retour d'une conférence à Auckland...  Et autant d'amis qui nous contaient, depuis des années, les dérives et les tentations d'une société en pleine mutation.

(1) Pepe Carvalho fait sa première apparition en 1972 dans "J'ai tué Kennedy", avant de reparaître en 1975 comme personnage central de la série dans "Les mers du sud".

(2) La solitude du manager, p.42.

(3) "Poética", in José-Maria Castellet, Nueve novisimos poetas espanoles, Barcelona, Barral Editores, 1970, repris dans la présentation de Georges Tyras du "Tueur des abattoirs et autres nouvelles", Paris, Editions du Seui, (Points ; R 613), 194 p., p. V.

Ecrit par Marco-Bertolini, à 20:03 dans la rubrique "Lit et rature".

Commentaires :

  ImpasseSud
20-10-03
à 20:11

Marco, comme je n'aime pas les romans policiers, je dois avouer que je n'ai jamais rien lu de lui, mais ton exposé me donne l'envie de faire un essai.
 

  Marco-Bertolini
20-10-03
à 20:20

Re:

Bonsoir ,

Tant mieux si je t'ai donné envie de lire Montalban.  Dommage que ce soit à l'occasion de son décès...

Par ailleurs, tu peux lire les romans non policiers pour commencer... Histoire de goûter à son style.

Bonne lecture.


  ImpasseSud
26-10-03
à 18:58

Re: Re:

Je viens de me procurer "O César o nada". Il s'agit de l'histoire des Borgia. L'as-tu déjà lu?

  Marco-Bertolini
27-10-03
à 17:50

Re: Re: Re:

Non, c'est une des (rarissimes) romans de Montalban que je n'ai pas lus...

J'attends avec impatience que tu m'en donnes ton appréciation.


  Marco-Bertolini
17-11-03
à 16:23

Re: Re: Re:

Finalement, as-tu eu l'occasion de lire ce roman de Montalban ?  Et si oui, comment le trouvez-tu ?

A bientôt !


  ImpasseSud
27-12-03
à 21:11

"Ou César ou rien"

Je viens de terminer ce livre que j'ai mis un temps infini à lire. J'en ai publié une critique sur mon Joueb. Une page ne tirait vraiment pas l'autre et j'ai dû m'accrocher. Je ne l'ai pas lu dans la traduction française de François Maspero, mais dans la traduction en italien. Sauf celle de "Lire", l'ensemble des critiques que j'ai lues aussi bien en français qu'en italien était plutôt favorable, et pourtant je n'ai pas aimé ce roman. A mon point de vue, il y a une fausse note quelque part. Il se veut historique, mais ici, Montalban n'a pas les qualités d'un historien. Même comme roman, il est bizarre. De temps en temps, on a même l'impression qu'il fait un devoir de classe, qu'on vient de lui demander de dire tout ce qu'il sait sur tel ou tel personnage. Sans compter que pour y comprendre quelque chose, il faut avoir une bonne connaissance du puzzle qu'était l'Italie de la Renaissance.


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25-11-04
à 21:53

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à 11:41

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subnormalité: Résultats Web d'Answers.com : " base théorique de ce phénomène est que la " subnormalité intellectuelle " est un aspect si évident du retard mental que tout désordre émotionnel ...www.psybermentor.ca/ressources/d_retard_DD.aspLe Mural du Web - Pepe Carvalho est orphelinLa culture et la lucidité conduisent à la subnormalité" (3). En parallèle à la série des "Pepe Carvalho", Montalban écrit des romans historiques, ...joueb.com/dazibao/news/41.shtml"

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21-05-08
à 15:16

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