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Luis Sepúlveda nous avait transplantés au coeur de la forêt amazonienne avec son roman mi-tendre, mi-épique, Le vieux qui lisait des romans d'amour, fable et hymne à la nature éminemment plus convaincant que n'importe quel manifeste écologiste.
Celui que je tiens pour l'un des écrivains hispanophones majeurs de ces vingt dernières années voit l'un de ses autres romans réédités dans la collection Points aux Éditions du Seuil : Un nom de torero.
L'histoire plonge ses racines au fond du quatorzième siècle, comme souvent les prémices de notre destinée couvent sous les strates oubliées de la longue histoire humaine. En ce temps là, un voyageur arabe - Abou Abdallati Muhammad Ibn Abdallah Ibn Muhammad Ibn Ibrahim Al Klawatti, que nous connaissons sous le nom d'Îbn Batutta - décède et, en son honneur, le Sultan de Fez qui doit sa renommée à ce seul geste fait frapper cent pièces d'or à son effigie, trésor connu sous l'appellation orientalo-poétique de "Collection du Croissant de Lune Errant".
Quelques cinq cents ans plus tard, deux militaires affectés à la garde de la prison de Spandau, découvrent dans une boîte destinée à l'administration nazie, soixante-trois pièces d'or dont la pile est ornée d'un croissant de lune. Ils comprennent que ce pactole est le sésame de leur rêve : émigrer vers la Terre de Feu.
L'un d'eux réussit la traversée tandis que l'autre est pris dans le maelström des événements de la guerre froide et attend son heure dans le paradis socialiste de la RDA.
Bien des années plus tard, deux hommes au passé trouble, un Chilien et un Allemand reprennent la trace de la Collection. Si l'un est mû par le désir de richesse, l'autre n'accepte que pour rendre la vie à Veronica, jeune militante torturée à mort par les sbires de Pinochet et dont le corps nu a été découvert sur une décharge. Si son corps est intact, son esprit est définitivement ailleurs, perdu, fixé sur un point focal loin des horreurs passées.
C'est pour lui rendre le souvenir et la parole que Juan Belmonte, l'homme au nom de torero, entreprend le voyage mortel.
Premier roman " noir " de Sepúlveda, inspiré par la confiante amitié de Paco Ignacio Taibo Segundo - autre géant de la littérature noire hispano-américaine - Un nom de torero dénoue l'écheveau compliqué d'une intrigue cynique tout en le renouant avec le fil d'une sensibilité à fleur de peau, avec le cordeau d'une prose poétique et imagée qui se fait trop rare dans l'univers standardisé de la production littéraire contemporaine...
Luis Sepúlveda, Un nom de torero, traduit de l'espagnol (Chili) par François Maspero, présentation par Carlo Varacchi, Paris, Éditions du Seuil, 2003 (Métaillié, 1994), (Points ; P 237), VI p., 184 p.