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Mike Davis est connu pour son indépendance d'esprit et ses recherches iconoclastes. Son dernier ouvrage ne démentira pas cette réputation d'outsider de l'histoire. Ce qu'il révèle dans ce livre palpitant et effrayant à la fois, c'est que des épidémies et des famines que l'on présentait comme des catastrophes naturelles, étaient en fait le résultat de manipulations politiques.
Certes, les variations climatiques ont joué un rôle dans le déclenchement des sécheresses ou des inondations qui ont abouti à ces famines et à ces exodes meurtriers, mais sans l’imprévoyance des politiques ou le cynisme des responsables coloniaux, elle n'auraient jamais atteint une ampleur comparable.
L’histoire du climat et la compréhension de certains de ses phénomènes – tel le fameux « El Niño » et à son corollaire, « La Niña » - commencent seulement à faire l’objet d’études sérieuses.
Mais, nul doute que des carences politiques sont à l’origine d’hécatombes monstrueuses : c’est le cas de la Chine du XIXème siècle, beaucoup moins bien organisée que lors du siècle précédent pour résister aux famines et redistribuer de manière efficace les denrées de base là où elles manquent. Le réseau routier était alors dans un état si lamentable et la corruption de fonctionnaires telle que le transport des grains conservés dans les greniers des régions non-touchées était impossible, alors que le système avait fonctionné durant plusieurs siècles.
Mais, dans le cas de l’empire britannique, c’est le cynisme et le mépris qui ont prévalu et ont condamné des millions d’Indiens faméliques à une mort certaine. La morale libérale de l’empire interdisait que l’on aide ces populations de crainte de les transformer en assistés. Pire, la comptabilité des gestionnaires coloniaux prévoyait le transfert d’un maximum de richesses de la périphérie vers le centre – Londres – tout en ne coûtant pas un penny à la couronne ou au contribuable anglais : la colonie devait être self-supporting.
Au sortir de ce livre, le lecteur normalement constitué n’a plus aucun doute : si certains pays dits du tiers-monde accusent un tel retard de développement, qu'accompagnent généralement des conditions de (sur)vie épouvantables, ce n’est ni en vertu d’une soi-disant inégalité entre les peuples, ni en raison de catastrophes naturelles imprévisibles et/ou inévitables, mais bien par la voie d’une économie de la prédation et d’une politique consciente, concertée, du pillage systématique des ressources locales.
Mike Davis, Génocides tropicaux : Catastrophes naturelles et famines coloniales aux sources du sous-développement, traduit de l’anglais (États-Unis) par Marc Saint-Upéry, Paris, Éditions La Découverte, 2003, 479 p.
Pour en savoir plus sur le colonialisme : cliquez ici.
Commentaires :
ImpasseSud |
Ton livre, qui semble offrir un point de vue original sur les "bienfaits" de notre société occidentale me fait penser à un petit bouquin paru en Italie en octobre dernier : "Il vizio oscuro dell'Occidente" de Massimo Fini (Marsilio Ed.). |
Marco-Bertolini 23-09-03
à 09:43 |
Re:Bonjour Impasse Sud, Je ne connais pas du tout le livre que tu me suggères de lire, mais je vais tenter de me le procurer, mon nom ne t'a pas trompée, je peux lire dans ma langue paternelle... En ce qui concerne les génocides, ils ne concernent malheureusement pas que les trente dernières années : il suffit de penser au génocide indiens aux Etats-Unis, à celui des Arméniens par les Turcs aux environs de 1917 (génocide que la France, d'ailleurs, s'obstine à ne pas reconnaître officiellement), sans parler des tentatives des Han de rayer de la carte les autres ethnies chinoises ou les exactions japonaises contre les Aïnous... Le racisme et la rage de dominer ou de massacrer d'autres groupes ne sont malheureusement pas l'apanage de l'homme blanc... Dans de prochains articles, j'aborderai aussi des sujets et des livres qui ont trait au colonialisme et au fascisme. Il y a là aussi matière à pas mal de discussions. Au plaisir de te lire bientôt, Marco. |
ImpasseSud 23-09-03
à 15:14 |
Re: Re:Marco, Les génocides que tu cites sont en effet fort connus, et il est vrai qu'il y en a tant d'autres qui se font en sourdine. L’Histoire ne nous enseigne jamais rien, et le drame, c’est que nous sommes souvent pratiquement impuissants face aux génocides qui s’accomplissent sous nos yeux.
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Marco-Bertolini 23-09-03
à 16:11 |
Re: Re: Re:C'est vrai que les génocides ont surtout lieu en Afrique pour le moment, et que l'épidémie de sida qui y sévit peut être considérée comme une forme de génocide. Un ami qui a beaucoup commercé avec le Congo, par exemple, m'affirme avoir barré plus de la moitié de son carnet d'adresses, en particulier à Kinshasa... Le drame des enfants orphelins qui n'ont plus d'autres issues que l'armée ou la prostitution est une forme de génocide, puisqu'on tue l'avenir de ces enfant qu'on a déjà privé de leur enfance. Mais d'autres maladies, facilement curable à bon marché, comme le paludisme, font des ravages en Afrique et en Asie, des bandes protégées par les Etats massacrent des populations en Colombie, et au Mexique, des tueurs assassinent impunément les femmes (plus de 300 en quelques années; voir un article dans le Monde diplomatique d'août 2003, "Tueurs de femmes à Ciudad Juárez", par Sergio González Rodríguez). On vit une époque formidable... |
à 17:00