C'est, en tout cas, la volonté affirmée de la métropole wallonne.L'école de Marcinelle - et en particulier "
la bande des quatre" (Jijé, Franquin, Morris et Will), animatrice des éditions Dupuis depuis plusieurs décennies - lui a conféré une renommée largement internationale.
Charleroi-BD, c'est aussi un salon annuel et un concours dans le jury duquel ont figuré des noms prestigieux que Manara, Hermann, Cauvin, Vinck, Giraud (alias Moebius)... Excusez du peu !
Mais l'histoire d'amour entre la cité carolorégienne et le 9ème art ne s'arrête pas là : un hôtel quatre étoiles est en projet, dont la décoration sera tout entière dédiée à la bande-dessinée.
Et, au Palais des Beaux-Arts, une exposition exceptionnelle de dessins tirés des scénarios d'Alan Moore - sans doute le plus grand scénariste de BD anglais de son temps ! - rappelle à la ville son intimité avec cet art populaire qui flirte pourtant avec le raffinement et la puissance de ce que les arts graphiques offrent de meilleur.
Ce n'est pas la première fois que le Palais des Beaux-Arts accueille une exposition de BD : l'an dernier s'y affichaient nombre de planches originales de Munoz et de Breccia, deux maîtres du domaine hispano-américain.
Cette année, ce sont pas moins de 200 dessins issus des scénarios d'Alan Moore qui s'exposent :
- Watchmen, né de la collaboration de Moore avec le dessinateur Gibbons, relate les aventures des super-héros américains, la cinquantaine bien mûre, surprenante allégorie de la superpuissance mal maîtrisée des Etats-Unis...
- V pour Vendetta retrace l'histoire d'une Angleterre sous le joug d'un régime fasciste et libérée par un personnage issu du peuple, tragicomédie aux accents shakespeariens...
- La Ligue des gentlemen extraordinaires rassemble les plus grands héros nés de l'imagination des écrivains du XIXe siècle : le Capitaine Némo, l'Homme invisible, Mina Harker tout droit sortie de l'imagination de Bram Stocker, le père de Dracula; le Docteur Jekyll et Mister Hyde de Stevenson, tous rejoignent Moriarty désigné par son initiale M, afin de sauver l'empire britannique de ses ennemis.
- Mais c'est surtout From Hell, roman graphique de plus de 500 pages narrant l'irruption de Jack l'Eventreur sur la scène victorienne et les remous que ces meurtres non-élucidés ont suscité dans cette société puritaine, enchaînée dans ses préjugés et sa discipline austère. C'est de cette oeuvre magistrale qu'est tiré le film du même titre avec Johnny Depp en vedette (1).
Dans ce chef d'oeuvre graphique, né de la plume maîtrisée de Campbell - dont le trait sûr évoque celui des plus grands : Tardi, Manara, Pratt - Moore bouscule les conventions du genre afin d'accentuer le réalisme jusqu'à l'insoutenable...
Mais l'exposition ne s'arrête pas là : plutôt que de retracer de façon chronologique la foisonnante carrière du scénariste, elle a choisi, comme l'auteur dans son album Prométhéa, le parcours plus sinueux de l'arbre des Séphiroth, arbre de la Cabale, support de la connaissance secrète des initiés...
Elle aborde également un autre versant moins connu de l'oeuvre de Moore, la bande dessinée érotique. Dans Lost girls, il revisite les mythes de Peter Pan, du Magicien d'Oz et d'Alice au Pays des Merveilles, oeuvre dans laquelle les trois héroïnes se rencontrent dans les jeux métaphoriques et compliqués d'un conte pour adultes. Et c'est une femme, Melinda Gebbie, qui prête son talent de dessinatrice à cette évocation mythique du passage de l'enfance à la puberté, à l'éveil des sens qui projette l'enfant dans l'adulte.
C'est donc à un véritable voyage initiatique que nous convie cette exposition d'une qualité exceptionnelle. Il vous reste quelques jours pour vous lancer, vous aussi, à la poursuite de ce projet séphirotique !!!
Jusqu'au 4 avril 2004, Palais des Beaux-Arts, Place du Manège, 6000, Charleroi, de 10 à 18 heures, sauf le lundi.Cliquez
ici pour voir le site dédié à l'exposition.
(1) Vous trouverez des informations sur ce film, sur Alan Moore et sur une autre oeuvre autour de Jack l'Eventreur en
cliquant ici.