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Pour autant, ces textes ne sont pas les seuls qui ont circulé pendant les premiers siècles de l'ère chrétienne. Da Vinci Code a réactualisé l'évangile de Marie, mais aux premiers temps de l'Eglise on connaissait également l'évangile de Saint-Pierre, celui de Nicodème ainsi que des Lettres de Paul au Laodicéens et j'en passe. La naïveté de certains de ces textes est telle que l'on comprend aisément pourquoi l'Eglise les a écartés. D'autres, comme le Protévangile attribué à Jacques le Mineur, frère de Jésus, évoquent des épisodes comme la circoncision du Christ, rappel trop appuyé de sa judéité, idée insupportable pour l'église naissante.

L'un d'eux, propre au mouvement de la Gnose, qui considérait que le monde physique était un monde dégénéré et irrémédiablement impur, est le plus scandaleux et le plus provocant pour la foi chrétienne : l'évangile de Judas.

Dire que celui-ci offre une lecture de la vie de Jésus radicalement différente des autres serait un délicat euphémisme. Ici, Judas n'est pas le pire ennemi du Christ, il est son meilleur ami. Et c'est donc à lui que Jésus va demander de le débarasser de son enveloppe charnelle, lui qui ne demande qu'à redevenir un pur esprit. Pendant une semaine, avant Pâques, il va entretenir Judas, tentant de le persuader. « Ecarte-toi des autres et je vais te révéler les mystères du Royaume. C'est possible pour toi de l'atteindre, mais tu connaîtra de grandes souffrances. [...] Et tu les surpasseras tous (mes disciples), car tu seras celui qui me débarrassera de l'homme qui m'habille ». Et Judas, par amitié, va accepter de se prêter au simulacre de trahison. L'évangile précise également qu'il ne se suicide pas mais coule des jours heureux après le service rendu à son ami... Il y a donc de fortes chances pour qu'il siège au paradis des bienheureux.

Ce texte, dont loriginal date de 180 après Jésus-Christ, est une copie du 3e ou 4e siècle après J-C, et avait disparu depuis 1700 ans a été redécouvert en Egypte en 1970. Il a été étudié et authentifié par divers spécialistes : études des fibres du papyrus et datation au carbone 14, étude paléographique de la langue copte, étude de l'encre... Tout concorde.

Sa réapparition tient du miracle (pour les croyants comme pour les scientifiques) car ces évangiles apocryphes ont été dénoncés, recherchés et détruits sans relâche par l'église, notamment par Saint-Irénée qui s'est livré à une véritable croisade avant la lettre contre ces textes « frauduleux ».

Les gardiens de ce texte ont donc mené à bien leur mission, résistant à deux mille ans de traque purificatrice.

Sa résurgence en Egypte est tout sauf claire. Il aurait été découvert par un Egyptien, aux alentour d'El Minya. Il a ensuite été acheté par un marchand d'antiquités du nom d'Hanna. Celui-ci montra sa découverte à différents experts qui établirent sa possible antiquité. En 1983, Steve Hemmel, actuellement professeur de paléographie à l'Université de Munster, en Allemagne, reçut un coup de téléphone. Un de ses collègues lui donnait rendez-vous dans un hôtel de Genève pour authentifier un codex contenant apparemment des textes fort anciens et intéressant.

Lorsqu'ils découvrirent ce codex, ils ne se rendirent pas compte tout de suite qu'il contenait l'évangile de Judas : les pages étaient mélangées et certains fragments étaient en train de se désagréger. Le tout était emballé dans du papier journal et rangé dans des boîtes à chaussures, ce qui ne correpond peut-être pas aux standards de la conservation archéologique contemporains...

Hanna exigeait trois millions de dollars, une somme que les trois universitaires étaient loin de posséder. Et le manuscrit disparut de nouveau. Il réapparaît un an plus tard, à New York, Hanna cherchant à le vendre à de riches amateurs américains. Sans succès. Il enferme alors sa précieuse découverte à un coffre bancaire pendant 16 ans.

C'est en avril 2000 que la marchande suisse d'antiquité Frieda Nussberger-Tchacos achète le codex et le confie à des experts de la Bibliothèque des livres anciens de l'Université de Yale afin d'en évaluer l'importance. C'est Robert Babcock, l'expert en papyrus de Yale, qui découvrit le contenu exact du codex, dont l'évangile de Judas, perdu depuis 1700 ans et dont on ne connaissait l'existence que par des références dans des textes épars.

Yale pourtant ne devait pas acheter le document à cause de problèmes liés à sa provenance. Un candidat-acheteur américain, après d'interminables tractations, devait se révéler insolvable. Frieda Nussberger-Tchacos transfère alors le manuscrit à la Maecenas Foundation for Ancient Art de Bâle, en Suisse.

Celle-ci va unir ses efforts à ceux de la National Geographic Society et du Waitt Institute for Historical Discovery, en Californie, pour restaurer, traduire et publier cet évangile.

Evangile dont vous pouvez étudier plus en détails (mais en anglais) sur le site que National Geographic consacre à ce précieux document.