Dazibao

La maturité réussit plutôt bien à Paul Auster.  Après le magnifique, l'éblouissant "Livre des illusions",  il nous offre un nouveau chef-d'oeuvre avec "La nuit de l'oracle".

Le narrateur, un écrivain marié à une illustratrice, vient de sortir de l'hôpital suite à un collapsus qui l'a terrassé pendant plusieurs mois.

Alors qu'il croit que l'inspiration l'a abandonné à jamais, il découvre une nouvelle papeterie ouverte à quelques pas de chez lui : The Paper Palace.   Le maître des lieux est un chinois plutôt sympathique.

L'écrivain lui achète un carnet bleu, un carnet portugais dont les lignes bleues s'entrecroisent en des carrés particulièrement harmonieux.

Rentré chez lui, le narrateur ouvre le carnet et commence à écrire.  Un nouveau roman, inspiré de l'histoire d'un personnage de Dashiell Hammet, dans le Faucon maltais.

A partir de là, le récit se complexifie : à la narration de l'écrivain, s'ajoutent des notes de bas de page qui précisent tel ou tel point de son existence, de ses relations avec sa femme ou un vieil ami écrivain, se superpose le récit du roman, le commentaire de l'écrivain sur l'écriture du roman - sorte de work in progress - mais aussi un livre écrit par un personnage du roman : la nuit de l'oracle.  Ce labyrinthe d'histoires se téléscope, ses parois opaques se transforment en miroir où le récit se dédouble, se répète ou s'inverse...

Tout ceci vous paraît confus ?  Ne vous inquiètez pas !  La prose limpide, évidente d'Auster vous guide pas à pas dans une intrigue dont le noeud ne se défait que dans les dernières pages, une intrigue tragique avec laquelle l'auteur se hausse au niveau des plus grands : les Philip Roth, John Updike ou Toni Morrisson.

Auster est sans nul doute un maître du roman américain.  Et pour longtemps.

Paul Auster, La nuit de l'oracle, traduite de l'anglais par Christine Leboeuf, Arles, Editions Actes Sud, 237 p.