L’un des maîtres du “polar social” français renoue avec ses vieux démons tout en explorant une page méconnue de l’histoire obscure de la seconde guerre mondiale : celle de l’internement et de la déportation des tziganes.
Didier Daeninckx signe ici son troisième titre dans la série du “Poulpe” (après “Nazis dans le métro” et “Éthique en toc”).
Pour rappel, le Poulpe est le surnom d’un détective privé un peu particulier, Gabriel Lecouvreur, né de l’imagination foisonnante de Jean-Bernard Pouy (qui a connu la notoriété avec un opus policio-philosophique “Spinoza encule Hegel” et poursuit depuis l’élaboration d’une des oeuvres les plus originales du polar contemporain) (1).
La particularité de cette série, publiée aux éditions Baleine, c’est la récurrence du personnage sous la plume d’auteurs différents. Ainsi, le Poulpe a déjà eu les honneurs d’écrivains aussi différents et prestigieux que Patrick Raynal (Arrêtez le carrelage), Noël Simsolo (Un travelo nommé Désir), Cesare Battisti (J’aurai ta Pau) ou Pascal Dessaint (Les pis rennais)... A la lecture des titres, vous aurez compris un des principes de la collection : un titre-calembour avec, en prime, quelques phrases-clés que l’auteur se doit d’introduire dans la trame du récit.
Dans “La route du rom”, un oncle à l’article de la mort confie un secret à son neveu Jésus, rom comme lui, un secret qu’il a gardé toute sa vie et qu’il veut léguer à celui qu’il a institué son légataire universel. Dans la nuit qui suit cette révélation, Jésus trouve la mort dans la cave d’un pensionnat de jeunes filles, son secret enfoui avec lui.
Un mot porté par deux inconnus atteint le Poulpe au comptoir de son bistrot préféré, le “Pied de Porc à la Sainte-Scolasse”. Il quitte immédiatement Paris pour retrouver la famille de celui qui fut son coéquipier dans le tournage d’un film de Toni Gatliff...
Comme toujours, Daeninckx est bien documenté, ses personnages sont de chair et de sang et son empathie pour les roms est perceptible, même s’il n’évite pas le cliché de la belle gitane au charme sulfureux... Au détour de cette route du rom, ce sont les souffrances d’un peuple méprisé qu’il revisite. Et une période où les tensions s’exacerbent entre les communautés qui forment la France des “années noires” : ici les Juifs, là les Tziganes, ailleurs les communistes...
Didier Daeninckx,
La route du rom, Editions Baleine, 2003, 182 p.
(1) D'autres ouvrages de Jean-Bernard Pouy :