Dazibao

J'ai déjà évoqué la prose de Jean-Bernard Pouy dans Dazibao, il y a quelques semaines, à propos de son livre "Nous avons brûlé une sainte" (1).

Aujourd'hui, ce n'est pas de la parution d'un roman que je veux vous parler, mais de la réédition dans la collection Folio Policier d'un recueil de nouvelles, toutes parues dans des recueils précédents, et rassemblées ici sous le titre pouyesque entre tous de roubignoles du destin.

Serait-il si mâle le fatum, couillu comme un Gargantua ou comme le Toré, cette célèbre statufication du taureau liégeois ?

C'est peu de le dire si on en croit la nouvelle éponyme et liminaire de ce recueil, narration - implacable, rapide, incisive comme la lame d'un kriss - des dernières heures d'un sympathisant FN...

Chacune de ces histoires reflète le goût de l'auteur pour les jeux de mots et les coups du sort : lorsque les deux s'entrelacent pour se jouer des humains de papier, cela donne un véritable feu d'artifice, auprès duquel les girandoles et autres feux de bengale font figure d'étincelles blafardes !

Hoquet sur glace est le rendu par un joueur lui-même de sa passion et de ses sensations primaires. Tinetorette et toquaille est peut-être le plus bel hommage rendu à l'art, entre peinture baroque et acid-jazz. L'Equarisseur est un conte de fée moderne, Le beaujolais est mal barré, un coup de gueule d'épicurien contre la contrefaçon oenologique, La mauvaise graine, une plongée dans l'enfer adolescent vue par un père déboussolé...

Dans l'ABC du métier, Pouy s'acroche aux acrostiches d'un fait divers sur fond de terrorisme et de religion (à la mode, direz-vous, mais dans cette sorte d'anti-poème écrit en 1995, c'est de la religion catholique qu'il s'agit et de terrorisme basque : Aznar en a rêvé, le malheureux...).

Ex-voto croise avec une délectation perverse le monde du cyclisme et de la dévotion hispanique, tandis que Cargoète nous replonge dans la poésie et les affres de la création tendue par un amour impossible. Le pousseur de texte vous rappelle qu'on n'écrit pas impunément, I got my Mogette working (revisited) dénoue la haine qui liait deux frères, et Manus militari nous conte une guerre futuristico-littéraire où des Maisons néo-médiévales s'affrontent sur fond de banlieues déglinguées...

Jean-Bernard Pouy nous interpelle avec un talent immense, un sens aigu et rare de l'auto-dérision et un don pour le mélange des genres qui en fait une sorte de Rabelais du vingt et unième siècle. Chapeau bas !

Ruez-vous sur ce collier de perles fines !!!

Jean-Bernard Pouy, Les roubignole du destin, Paris, Gallimard, 2004, 176 p.

(1) Pour lire ce compte rendu, cliquez ici.

Pour un titre de la série-culte du Poulpe : La route du rom de Didier Daeninckx.