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L'énigme de la Vénus Hottentote

L'incroyable épopée d'une jeune Khoisan

C'est une histoire à la fois triste et fascinante que celle de Satchwe, jeune femme Khoi-Khoi(1) que sa naissance dans une obscure région d'Afrique du Sud, à la fin du dix-huitième siècle, ne destinait aucunement à l'équivoque célébrité qui fut la sienne.

Fille d'un berger Bochiman - mort peu après sa naissance - et d'une mère Khoi-Khoi qu'elle perdra à l'âge de deux ans, elle vivra avec ses frères et soeurs dans le "kraal"(2) qui voisine la ferme de son "baas", Peter Caesar, un de ces "Boers"(3) qui forment la minorité blanche du Cap.

Elle aurait eu une liaison avec un jeune Bochiman, dont elle aurait eu un fils, mort après la naissance.

Tout ceci reste au conditionnel, car aucun document ne l'atteste. De nombreux documents, par contre, témoignent de la morphologie de Satchwe : comme bon nombre de femmes Khoisan, elle présentait une stéatopygie, c'est-à-dire une hypertrophie graisseuse des hanches et des fesses ainsi qu'un "tablier génital", c'est ainsi que l'on appelle les nymphes (petites lèvres vaginales) particulièrement allongées.

Ces caractéristiques feront à la fois son succès et son malheur.

Rebaptisée "Saartje" ("petite Sarah" en Afrikaneer, la langue des Boers. Prononcez : sâârtche) elle quitte en 1807 le kraal de Peter Caesar pour celui de son frère Hendryck.

C'est là qu'un ami anglais Hendryck, Alexander Dunlop, la remarquera et fera miroiter au Boer tout le parti qu'on pourrait tirer d'une exhibition de Saartje en Europe.

C'est en 1810 que le trio embarque pour l'Angleterre à bord du navire Anglais "Exceter".

Mais, contrairement à toutes les prévisions de Dunlop, aucun directeur de cirque ou d'attraction foraine n'est intéressé par cette négresse au curieux embompoint...

Dunlop revend alors ses parts à Hendryck, prétextant l'urgence d'un retour en Afrique du Sud.

Hendryck, précédent en cela Barnum de vingt-cinq ans (4) a une idée de génie : puisque personne ne veut de son attraction, il va l'exhiber lui-même après avoir inséré une annonce publicitaire dans un journal londonien qui promet une attraction exclusive : la "Vénus Hottentote".

Et c'est le succès : les foules se pressent en masse pour admirer dix heures par jour cette négresse fabuleuse, recouverte d'un justeaucorps de toile de la même couleur que sa peau. Certains ne se gênent pas pour pincer ou piquer les fesses proéminentes de la curiosité de foire...

A tel point, que des associations caritatives ou des clubs d'amis de l'Afrique s'en émeuvent et déposent une plainte à Londres pour que cesse ce scandale...

Coup de tonnerre : interrogée avec l'aide de deux greffiers qui parlent le bas-néerlandais, Saartje Baartman déclare qu'elle s'exhibe de sa propre volonté, qu'Hendryck Caesar se montre très prévenant avec elle et qu'il lui a promis de partager avec elle les recettes du spectacle, même si, jusqu'à présent elle n'a pas encore reçun un sou (farthing).

Malgré tout, le coup est rude et Hendryck décide de quitter la capitale pour une tournée en province, pendant laquelle on pert toute trace du duo entre 1811 et 1814.

C'est à Paris que la Vénus Hottentote s'exhibe ensuite : d'abord sous la férule d'un certain Taylor, puis sous la direction de Réaux, montreur d'animaux exotiques (des singes, un ours) avec qui les choses ne se passent manifestement pas aussi bien qu'avec Hendryck Caesar.

Elle se produit dans un quartier populaire non loin du Palais Royal. C'est là qu'elle va contracter la maladie pulmonaire qui l'emportera...

Mais son étrange épopée ne s'arrête pas là : alors que le monde scientifique français rechignait à la voir vivante, Cuvier, le plus célèbre anatomiste de son temps la réclame et l'obtient.

Il dissèque le corps, après en avoir réalisé un moulage, en conserve le squelette ainsi que les fesses et les organes génitaux conservés dans un bocal de formol... (5)

Ces restes furent exhibés au Museum d'histoire naturelle de Paris. Mais son aventure continue : une personne qui a conservé l'anonymat a dérobé, puis rendu le crâne de Saartje. Ensuite, l'ensemble des restes furent exposés au trocadéro pendant l'exposition universelle de 1889 pour la célébration du centenaire de la Révolution française.

Rappatriés au Muséum, l'ensemble est de nouveau séparé, puisque le conservateur déclare la perte du squelette. Le moulage et les parties conservées dans le formol seront d'abord exposés dans la section préhistoire et enfin remisés dans la réserve, suite à des plaintes du personnel et des visiteurs.

Lors du tournage d'un documentaire, en 1998, par le réalisateur sud-africain Zola Meseko, tous les restes sont retrouvés et intégrés dans le film "On l'appelait la Vénus Hottentote" !

Mais, entretemps, des évènements politiques changent la face de l'Afrique du Sud : Nelson Mandela est libéré, en 1994, après une scandaleuse détention de 27 ans. Le Président qui entretient des relations amicales avec François Mitterrand lui fait part du désir d'une ethnie, les Griquas, descendants des Khoi-Khoi, de récupérer la dépouille de Satchwe afin de l'ensevelir selon leurs rites.

Il faudra encore huit ans de batailles juridiques et diplomatiques pour que, le 29 avril 2002, le gouvernement français restituent la dépouille de Saartje Baartman à l'ambassade d'Afrique du Sud...

Gérard Badou, écrivain et journaliste, fait revivre cette incroyable aventure dans un petit livre au style alerte, chaleureux, dans lequel on sent une véritable sympathie pour le personnage extraordinaire que fut Saartje Baartman. Bien documenté, construit comme une recherche policière, il se dévore comme un excellent roman du précolonialisme et de l'ethnocentrisme occidentaux.

Gérard Badou, L'énigme de la Vénus Hottentote, Paris, Editions Payot & Rivages, 2002, (Petite Bibliothèque . Voyageurs ; 446), 188 pages.

Pour d'autres articles et ouvrages liés à cette histoire, voir ma série d'articles "Destins croisés".  Pour d'autres articles sur le colonialisme et l'esclavage voir :

La vérité sur l'esclavage
Le livre noir du colonialisme
L'esclavage aux Etats-Unis

(1) Khoi-Khoi est le nom que se donnaient eux-mêmes les tribus du Cap de Bonne Espérance vivant de la chasse. Alors que les colons hollandais les appelaient "Hottentot" (du néerlandais "tot-en-tot", bégayer, bafouiller) et les colons anglais Bushmen (littéralement, hommes de la brousse).


Aujourd'hui, pasteurs bochimans et chasseurs Khoi-Khoi sont regroupés dans une ethnie baptisée "Khoisan". Le nom de Khoi-Khoi (qui signifie "homme de l'homme") est représentatif de ces langues sud-africaines, dites "langues à clics". Les sons n'y sont pas formés en expulsant l'air à travers la gorge, mais en l'aspirant sous la langue. C'est un phénomène linguistique d'autant plus précieux qu'il est unique au monde.


Contrairement à ce que croyaient les blancs de l'époque, ces langues ne sont pas un dialecte rudimentaire formé de borborygmes à peine articulés, mais sont des langues d'une incroyable complexité. Malheureusement, elles sont en voie d'extinction rapide...

(2) Le "kraal" est un cercle de huttes de torchis, habitations des noirs qui servent le "baas", le maître, mot issu de la même racine germanique que l'anglais "the boss". Cette séparation entre maîtres et esclaves annonce déjà "l'appartheid", le mot néerlandais pour "séparation, ségrégation".

(3) Boer (prononcez : boûr) signifie "paysan" en Néerlandais et en Afrikaneer, un dialecte qui en est issu. Les premiers colons hollandais étaient des cultivateurs pauvres en recherches de terres cultivables qui manquaient cruellement sans leurs Pays-Bas éternellement rongés par la mer.

(4) P. T. Barnum a commencé sa fabuleuse carrière de manager de cirque et de musée, par l'exhibition, au cours de l'année 1835 et dans de nombreuses villes des Etats-Unis, de Joice Heth, une Afro-Américaine alcoolique et à moitié paralysée qu'il présentera comme étant la nourrice de Washington et âgée de cent-soixante ans. Ce n'est pas le seul point commun qui relie les deux histoires, nous le verrons plus loin... Cette "tournée" est racontée dans l'ouvrage de Benjamin Reiss, The Showman and the Slave : Race, Death and Memory in Barnum's America, Cambridge Massachussetts and London England, Harvard University Press, 2001, 267 p. Malheureusement indisponible en français... Benjamin Reiss démontre combien ce type d'exhibitions a favorisé et cristallisé le racisme anti-noir dans l'Amérique de l'avant-guerre de Sécession (Antebellum America) et a justifié le maintien d'une ségrégation bien après l'abolition de l'esclavage (la fin de la ségrégation raciale américaine date des années 1960 !).

(5) Joice Heth, la soi-disant nourrice de Washington, fut également disséquée par un éminent praticien de son temps, Rogers, mais dans les locaux d'un saloon que Barnum avait loué pour la circonstance. Le spectacle coûtait cinquante cents et mille cinq cents spectateurs ont participé à cette étonnante cérémonie funèbre. Barnum et Lyman, son associé, se partagèrent un bénéfice de plus de sept cents dollars, une fortune pour l'époque. Benjamin Reiss, The Showman and the Slave, op. cit., p. 135.

Ecrit par , à 12:38 dans la rubrique "Lire libre".

Commentaires :

  OdeNice
05-10-03
à 13:30

Superbe article, tout comme "Destins croisés : l'Homme de Kennewick et l'Homme de Spirit Cave"

Je découvre ton joueb et je l'apprécie beaucoup :-), je le mets dans mes liens pour pouvoir y revenir :-)


  Marco-Bertolini
05-10-03
à 16:15

Re:

Merci beaucoup pour ces commentaires sympas. Marco.

  PierreDesiles
07-10-03
à 19:20

Très bien ton article sur Satchwe. J'avais regardé une émission, sur Planète je crois, il y a quelques semaines traitant de ce sujet. J'avais été frappé par l'importance qu'on pouvait donner à cette femme du bout du monde qui avait l'air tout à fait ordinaire. La suite du reportage m'a éclairé sur sa différence et son destin tragique ensuite.

C'est bien que tu nous éclaire de nouveau sur son cas. J'ai trouvé ce lien qui parle de "La «Vénus hottentote» de retour au pays?".

@+


  Marco-Bertolini
07-10-03
à 20:01

Re:

Merci pour ce lien que je ne connaissais pas.

J'y ai également découvert un poème et une sculpture en hommage à Sarah Baartman.

Le bouquin dont je parle dans le prochain article, Zoos humains, parle lui aussi de Sarah, mais de manière très succincte.

Sur les "monstres" (ethniques ou physiques, c'est-à-dire des personnes handicapées) qui ont été exhibés dans les foires, les cirques ou les premiers musées (comme celui de Barnum, par exemple), il existe une littérature incroyablement abondante en anglais, alors que les publications en français sont beaucoup plus rares et parcellaires.

Mais quand j'en trouverai d'intéressants je le signalerai.

A bientôt.


  macha
02-06-10
à 20:04

Vous êtes dans la fascination anecdotique et votre texte comporte par conséquent des maladresses stylistiques plus que fâcheuses lorsque l'on évoque la réification abjecte et désespérante d'un être humain.

"équivoque célébrité" : qu'est-ce que l'exploitation a d'équivoque ?

"son succès" : le sien, vraiment ?

"Le trio", "le duo"

"l'ensemble est de nouveau séparé"

"incroyable aventure"

"style alerte, chaleureux"

"véritable sympathie" ( vous vous en étonnez ?)

"personnage extraordinaire" ( ce n'est pas "un personnage" et elle n'est pas "extraordinaire" : vous continuez de réifier cette femme, seulement victime de l'abject )

"il se dévore comme un excellent roman"

Vous avez pensé à prendre des cours d'empathie et d'analyse politique ?


  macha
02-06-10
à 20:05

Vous êtes dans la fascination anecdotique et votre texte comporte par conséquent des maladresses stylistiques plus que fâcheuses lorsque l'on évoque la réification abjecte et désespérante d'un être humain.

"équivoque célébrité" : qu'est-ce que l'exploitation a d'équivoque ?

"son succès" : le sien, vraiment ?

"Le trio", "le duo"

"l'ensemble est de nouveau séparé"

"incroyable aventure"

"style alerte, chaleureux"

"véritable sympathie" ( vous vous en étonnez ?)

"personnage extraordinaire" ( ce n'est pas "un personnage" et elle n'est pas "extraordinaire" : vous continuez de réifier cette femme, seulement victime de l'abject )

"il se dévore comme un excellent roman"

Vous avez pensé à prendre des cours d'empathie et d'analyse politique ?




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